L'aboutissement, au XIXe siècle,
des vastes campagnes de stabilisation du littoral français, a pour
effet de rendre disponibles des terrains constructibles à proximité
des plages, au moment même où l'expansion de la pratique du
bain de mer leur donne une nouvelle utilité. En effet, poussées
par l'inconfort croissant des villes industrielles et aidées par
l'expansion rapide du chemin de fer, les classes sociales favorisées
de l'Europe Occidentale redécouvrent les vertus thérapeutiques
et mondaines de la villégiature, d'abord en réinvestissant
les stations thermales, puis en s'installant dans ces «villes nouvelles»
que sont alors les stations balnéaires.
Celles-ci se révèlent être des opérations immobilières
fructueuses pour des promoteurs qui, à la suite du succès
de Brighton en Angleterre et de Deauville en France, en construisent par
centaines sur le littoral de la Manche et de l'Atlantique puis, plus tardivement,
sur la côte méditerranéenne. Implantées sur des
terrains particulièrement malléables, donc propices à
une «table rase», et organisées dans le simple but d'optimiser
la relation physique et visuelle entre les bâtiments d'habitation
et la plage, toutes ces stations sont conçues sur un plan d'urbanisme
qui tend à être toujours le même : un quadrillage
orthogonal appuyé sur le front de mer. La répétition
quasi-systématique de cette forme urbaine rappelle les villes coloniales
et le peu de relations qu'elles ont avec le territoire de leur implantation.
Malgré une architecture très créative, les stations
balnéaires tendent ainsi à se ressembler entre elles, tant
par leur forme que par la manière dont elles répondent à
une attente sociale unique : la pratique du bain de mer.
Quelques exceptions émergent de cette monotonie et Sables-d'Or-les-Pins
en fait partie. Conçue comme une ville-parc de bord de mer, mais
établie dans un jeu complexe et abouti de relations avec l'ensemble
du territoire de son implantation, elle est l'oeuvre d'un entrepreneur original
associé à deux paysagistes. Leur projet ne se présente
pas comme une composition posée sur une table rase, mais comme une
nouvelle organisation d'un territoire, appuyée sur une bonne connaissance
des usages antérieurs et ouverte à des usages à venir.
L'hypothèse que l'on veut vérifier ici est que la mise en
oeuvre d'un savoir-faire et d'une sensibilité de paysagiste, dans
un projet comme celui de Sables-d'Or-les-Pins, en favorisant des sentiments
d'appropriation plutôt que de dépossession, peut contribuer
à la construction durable d'une identité territoriale.
Photo de couverture : Sables-d'Or-les-Pins, l'Allée des Mouettes
vue depuis le coteau.
Mots-clés : urbanisme balnéaire,
paysage, aménagement du territoire, identité, Bretagne
Summary
Landscape in the social construction
of a territorial identity ; Myth and reality in a seaside resort of Northern
Brittany : Sables-d'Or-les-Pins (Côtes-d'Armor)
By the middle of the nineteenth century, the long term efforts to stabilise
the French coastline, offering new ground for development near beautiful
sandy beaches, coincided with the new demand created by the vogue of seaside
resorts. Established on sandy land favourable to tabula rasa, and
organised to optimise the relation to the beach, hundreds of these resorts
are planned according to an orthogonal grid which tends to be always the
same.
Conceived as a seaside park city, Sables-d'Or-les-Pins is one of
the rare exceptions. Established with a complex relationship toward its
location, it is the work of an original contractor together with two landscape-architects
whose plan aims at a new organisation of the area.
The idea developed here is that the know-how and artistry of a landscape-architect
are able to contribute to the durable construction of a "territorial"
identity.
Jury
Claude Millier, Directeur scientifique
de l'ENGREF
Pierre Donadieu, Professeur à l'ENSPV (directeur de thèse)
Augustin Berque, Directeur d'études à l'EHESS (rapporteur)
Patrizia Ingallina, Maître de conférence à l'IUP (rapporteur)
Antoine Grumbach, Architecte-urbaniste
Claude Prelorenzo, Professeur à l'EAV
ENGREF : Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts
(Paris)
ENSPV : Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles
EHESS : Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris)
IUP : Institut d'urbanisme de Paris, Université Paris XII Val-de-Marne
(Créteil)
EAV : Ecole d'architecture de Versailles (UP 3)
Chapitre XI - L'architecture à Sables-d'Or-les-Pins, entre régionalisme
breton et style balnéaire : Chapitre
XI.pdf
Chapitre XII - Sables-d'Or-les-Pins au fil du vingtième siècle
: de la construction d'une image à l'adaptation aux évolutions
des pratiques balnéaires : Chapitre
XII.pdf